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Un système électrique 100 % renouvelable à l’horizon 2050 ?

L’Espagne propose de relever le défi du 100 % renouvelable grâce à l’énergie solaire, un déploiement massif de solutions de stockage, le développement d’un réseau numérisé et interconnecté, et une gestion active de la demande.

Miser sur le solaire 

§ Le Plan national intégré énergie climat (PNIEC) fixe les priorités d’action de la politique énergétique et environnementale du gouvernement espagnol pour les dix prochaines années (2021 – 2030) avec un objectif de décarbonation de l’économie à l’horizon 2050.

§ Pour rappel, l’élaboration d’un PNIEC est une obligation européenne, mais les objectifs formulés sont indicatifs. En revanche, dans le cadre d’action de l’UE en matière de climat et d’énergie, l’objectif visant à porter la part des énergies renouvelables à au moins 32 % de la consommation finale d’énergie de l’UE à l’horizon 2030 est contraignant.

§ Un des principaux objectifs du PNIEC espagnol est d’atteindre un système électrique 100 % renouvelable d’ici 2050. Avec une capacité installée de 109 GW, la production d’électricité en Espagne s’établit à 261 TWh sur 2019, dont 36,8 % d’origine renouvelable. Le cycle combiné au gaz, avec 21,9 % du total, est la technologie qui a le plus contribué au mix de production, suivie par le nucléaire (21,2 %), l'éolien (20,6 %), la cogénération (11,4 %) et l'hydroélectricité (9 %).

§ Les objectifs du projet de PNIEC permettront à l’Espagne d’atteindre, à l’horizon 2030, 74 % d’énergie renouvelable dans la production d’électricité, et de porter la capacité installée de production à 161 GW. Les objectifs par filière se déclinent ainsi : plus de 30 GW de capacité solaire photovoltaïque à installer en 10 ans, afin d’atteindre une capacité totale de 39 GW ; 50 GW d'énergie éolienne (+ 22 GW) ; 27 GW de cycles combiné au gaz ; 15 GW d’hydraulique ; 9 GW de pompage (+ 4 GW) ; 7 GW de solaire thermoélectrique (+ 5 GW) ; et 3 GW de nucléaire (- 4 GW). Les objectifs à 2030 misent également sur la disparition du charbon comme moyen de production d’énergie (- 8 GW).

§ Le PNIEC a par ailleurs pour objectif de faciliter le développement de l’autoconsommation et la génération d’énergie distribuée. Le secteur évoque une capacité de production de 7 GW à l’horizon 2030.

Le réseau à l’horizon 2026 : optimisation, interconnexions, et flexibilité de la demande


§ La transformation du réseau électrique est une des conditions essentielles à la réussite de cette transition énergétique. Le document de planification du développement du réseau de transport à l’horizon 2026 est en cours d’élaboration et décline de manière opérationnelle les priorités d’action du PNIEC en la matière.

§ Dans un premier temps, l'objectif est de mettre en œuvre des solutions qui permettent d'optimiser l'utilisation du réseau existant, en installant des outils de monitoring des lignes en 220 kV et en augmentant la capacité des lignes en 220 kV et en 400 kV via un remplacement des conducteurs, ou d’autres travaux de réhabilitation (rehausse des pylônes, etc.). Les outils de monitoring DLR (Dynamic Line Rating) permettront par exemple d’ajuster la capacité d’évacuation de la puissance d’un parc éolien selon des paramètres de vent et de températures mesurés en temps réel.

§ Les capacités d’interconnexion du pays seront augmentées, notamment grâce à la mise en service en 2024 – 2025 de l’interconnexion électrique du golfe de Gascogne entre Bilbao et Bordeaux. L’Espagne est actuellement loin du taux d’interconnexion d’au moins 10 % de la capacité installée de production imposé par l’Europe. L'augmentation de la capacité d'interconnexion permettra de renforcer la sécurisation de l’alimentation électrique des consommateurs, le réseau faisant face à une pénétration accrue des énergies renouvelables non pilotables et de nature intermittente. Les interconnexions permettront également de réduire les surplus d’électricité - dès que la capacité de production renouvelable dépassera la demande, améliorant la rentabilité de ces énergies et facilitant leur déploiement.

§ L’opérateur du système Red Eléctrica de España (REE) devra pouvoir progressivement intégrer une demande flexible dans sa gestion du marché électrique. La flexibilité de la demande repose sur l’aptitude des consommateurs à adapter temporairement et de façon non récurrente leur consommation pour répondre à des besoins ponctuels du système électrique. Depuis juin dernier, l’Espagne permet aux agrégateurs de demande et au stockage la prestation de services de réserve fréquence. Elle est sur ce point moins en avance que la France qui permet aux consommateurs via injection ou effacement de consommation, et aux producteurs via stockage, ou système de recharge de véhicule électrique de valoriser leur flexibilité depuis plusieurs années.

Le réseau à l’horizon 2050 : un centre de contrôle de la production locale, un data hub électrique, et du stockage ?


§ Plusieurs documents présentent les solutions envisagées par l’opérateur du réseau pour relever le défi du 100 % renouvelable. On peut citer la Stratégie de décarbonation à long terme ouverte à la consultation publique depuis le 23 juillet, et le rapport de l’opérateur REE publié en 2019 et intitulé « Rendre possible la transition énergétique ». Ces documents posent les bases d’une sorte de démarche smart grid à grande échelle : modulation de la consommation, réseaux intelligents, et stockage.

§ REE évoque notamment la création d'une plate-forme numérique, un data hub, neutre et centralisé, collectant toutes les mesures électriques, aussi bien du côté producteur que consommateur, afin d’épuiser les capacités de flexibilité de la demande et d’assurer une gestion intelligente de la production.

§ La création d’un centre de contrôle de la production locale à l’image du CECRE – centre de contrôle des énergies renouvelables – est également nécessaire, selon REE. Dans la mesure où il y aura un développement important de l’autoconsommation, une modification de la réglementation sera nécessaire pour empêcher une réduction de la capacité effective d'exploitation et pour préserver le critère général d’observation et de contrôle des ressources de production non pilotables.

§ Et enfin, REE considère que le déploiement massif de solutions de stockage est essentiel : stockage journalier, saisonnier, chez l’utilisateur, etc., et notamment l’utilisation du pompage hydraulique, de réservoirs de sels fondus de centrales solaires thermodynamiques à concentration, de batteries (de différentes technologies), d’hydrogène ou d'autres variantes de production de gaz renouvelable comme vecteur énergétique.

§ Ces documents évoquent également une implication citoyenne très forte, les consommateurs étant qualifiés de prosommateurs, ce terme cherchant à décrire la tendance qu’aura un consommateur à se rapprocher de la figure du producteur.

Nous pouvons ici rappeler en conclusion qu’il sera également essentiel de limiter nos usages.

Et un bref rappel sur les objectifs français


§ Le PNIEC s’appuie en France sur deux documents essentiels : la programmation pluriannuelle de l’énergie et la stratégie nationale bas-carbone. La production totale d’électricité en France s’établit à 537,7 TWh sur l’année 2019, avec une capacité de production installée d’environ 135 GW. Les énergies renouvelables ont fourni plus de 21 % de l’énergie électrique totale, et 70,6 % étaient d’origine nucléaire. Dans le cadre de la PPE, la France s’est fixé l’objectif de doubler la capacité installée des énergies renouvelables électriques en 2028, et de la porter entre 102 à 113 GW, ce qui représentera 36 % de la production d'électricité (fourchette haute). La France s’est également fixé l’objectif de ramener la part de production du nucléaire au sein du mix électrique à 50 % à l’horizon 2035, et d’atteindre une décarbonation complète de l’énergie en 2050.

Centro de Control de energías renovables (Cecre) de Red Eléctrica de España


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